Jour 3 / Ngoma
1er août 2017
Après le game drive de Serondela (Chobe National Park, au Botswana), nous repartons à bord du 4×4 de Matiti Safaris en direction du poste frontière de Ngoma.
Une fois les formalités accomplies, nous entrons dans la région connue sous le nom de « bande de Caprivi » — Caprivi Strip en anglais —, rebaptisée en 2013 Zambezi ou « région du Zambèze ». Il s’agit d’une longue bande de territoire namibien coincée entre l’Angola, la Zambie et le Botswana, effleurant le Zimbabwe à l’est. En raison de la présence de la rivière Kwando et du fleuve Zambèze, les paysages et la végétation diffèrent totalement de ce que l’on peut voir dans le reste du pays, quasi désertique. La faune y est également plus concentrée et plus variée. Les diverses populations qui occupent cette zone de la Namibie (Masubia, Mafwe, Mbukushu, San, Mayeyi, Matotela…) sont assimilées sous le terme générique de Capriviens.
Longue de 450 km et large de 30 km dans partie la plus étroite, la bande de Caprivi doit son nom au chancelier Leo von Caprivi et fut créée en 1890 lors d’un traité signé entre l’Empire allemand et le Royaume-Uni permettant à la colonie allemande du Sud-Ouest africain d’accéder au fleuve Zambèze ainsi qu’au reste de l’Afrique australe et à l’océan Indien.
Nous arrivons pour le déjeuner au Camp Chobe, un lodge de tentes qui s’égrènent le long de la rivière Kwando non loin de Ngoma.
Croisière sur la rivière Kwando
Vers 15 h 30, nous partons faire un tour en bateau jusqu’à la tombée de la nuit. La chance n’est pas avec nous car le ciel est assez couvert et du coup il commence à faire froid. Pour couronner le tout, impossible de prendre des clichés nets de l’avifaune qui s’active aux abords de la rivière Kwando (ou Chobe), ni d’ailleurs des zèbres, waterbucks et autres antilopes. Toutes mes photos sont floues… C’est pitoyable. Et Léa n’a pas plus de succès que moi ce jour-là.



Jour 4 / Kongola
2 août 2017
Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, nous quittons le lodge vers 9 h 30. C’est presque une grasse matinée ! Direction Kongola, une étape à mi-parcours de la bande de Caprivi.
Heritage Village
Un kilomètre environ avant d’arriver au Namushasha River Lodge, nous faisons un arrêt culturel à l’Heritage Village, ce qui permet au groupe non seulement de se dégourdir un peu les jambes mais également de pouvoir apprécier d’autres aspects que la région du Caprivi a à offrir aux touristes de passage que nous sommes. Il s’agit d’un genre d’écomusée ouvert en 2014 — en fait un micro-village agencé autour un vieux baobab penché —, un projet collaboratif entre le Millenium Challenge Account Namibia, le Mashi Conservancy et la Gondwana Collection visant à faire connaître la culture et les traditions des populations locales, en particulier celles des Mbukushus.

Les Mbukushus sont originaires de la moyenne vallée du Zambèze. Ce peuple a longtemps vécu au Botswana (nord du Ngamiland, delta de l’Okavango) et en Angola, qu’ils ont fui à la fin des années 1960 en raison de la guerre d’indépendance puis lors de la guerre civile du début des années 1970. À l’heure actuelle, ils vivent principalement au Botswana, et dans une moindre mesure en Zambie et en Namibie. La langue des Mbukushus — le mbukushu ou le thimbukushu — est apparentée aux langues bantoues. Selon leurs croyances, les Mbukushus auraient le pouvoir de faire venir la pluie et auraient offert au Botswana le delta de l’Okavango.
L’eau étant abondante dans la région grâce à la présence de la rivière Kwando, l’économie de subsistance est essentiellement basée sur la pêche, pratiquée en pirogue à l’aide de grands pièges coniques et autres casiers toujours confectionnés avec des végétaux et selon des modèles qui ont traversé les siècles. Par le passé la chasse à l’hippopotame était courante ; le guide de l’Heritage Village nous fait d’ailleurs une démonstration de l’utilisation d’un « appeau à hippos », suffisamment précis pour imiter le cri d’un mâle ou d’une femelle selon le résultat souhaité. La chasse des grands mammifères étant désormais interdite en Namibie (excepté la chasse aux trophées avec des permis délivrés par le gouvernement), la chasse à l’hippopotame n’a en principe plus cours.
Nous nous déplaçons ensuite d’un coin à l’autre du village, où les activités et outils traditionnels sont présentés : la vannerie, le travail de la forge, les pièges pour attraper quelques rongeurs, la culture du millet (mil africain) jusqu’à sa transformation en farine qui servira à la confection d’un aliment de base, le grenier à grain, le poulailler en hauteur, etc. On nous apprend également que les fruits du baobab, comme celui sous lequel nous sommes installés, se consomment car ils sont riches en vitamines et en calcium.
La visite est clôturée par des chants et danses dont celle du guérisseur — très investi dans son rôle — qui n’hésite pas à grimper avec agilité au sommet du baobab tout en continuant de vibrer en rythme.
Bien que ce village soit une reconstitution très « touristique » avec un aspect un peu artificiel, il a néanmoins le mérite de faire connaître aux étrangers de passage les us et coutumes d’une population qui sans cela tomberait dans l’oubli dans cette zone très excentrée de la Namibie. Il procure de surcroît un revenu aux Mbukushus.
Parc national de Bwabwata (côté est)
Après l’installation au Namushasha River Lodge, Hugues — notre guide — nous conduit à la porte de Susuwe pour un petit game drive dans la partie orientale du Bwabwata National Park.
Dès 1963, la zone est baptisée parc naturel de Caprivi. Elle devient réserve naturelle en 1966 puis parc animalier en 1968. Durant la guerre d’indépendance de la Namibie, le parc est occupé par les forces armées sud-africaines jusqu’en 1990. Il faudra encore quelques années au gouvernement namibien pour faire aboutir le projet d’un parc national, qui verra le jour en 2007, né de la fusion de la réserve de Mahango et du parc de Caprivi. L’espace protégé ainsi créé s’étend sur environ 6 100 km2, entre la rivière Kwando à l’est et le fleuve Okavango à l’ouest. Il a la particularité d’abriter une population de près de 6 000 personnes, en plus de sa faune sauvage, que les autorités souhaitent impliquer dans les efforts de conservation.
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de Bwabwata dans un article précédent, traitant d’une épidémie d’anthrax chez les hippopotames du parc.
Notre 4×4 s’élance sur les pistes de Bwabwata. Nous ne croisons aucun autre véhicule et avons l’étrange impression d’être totalement seuls dans ce parc national. Comme la veille, le ciel est gris et les photos des rares animaux rencontrés franchement médiocres… en particulier celles des hippos.


Jour 5 / Divundu et Rundu
3 août 2017
Nous repartons au petit matin car nous avons une longue étape ce jour-là, qui nous mènera jusqu’à l’extrémité occidentale de la bande de Caprivi — et même un peu au-delà car nous dormirons à Rundu. La route se déroule devant nous et nous semble interminable. Sur le bas-côté, des panneaux de signalisation triangulaires à bordure rouge nous interpellent. Ils avertissent les conducteurs traversant la région des espèces protégées susceptibles de surgir à tout moment, comme des éléphants, des antilopes ou des lycaons (chiens sauvages) par exemple. Malheureusement, nous ne verrons pas ces derniers lors de notre voyage.
En revanche, les éléphants sont bel et bien présents. Il y en a tout un groupe en train de se délecter d’un arbre qu’ils ont probablement abattu il y a peu, car il semble bien « vert ». C’est étonnant de constater à quel point ils sont voraces et combien la quantité de nourriture qu’ils doivent ingérer quotidiennement est importante. D’ailleurs, il ne reste plus aucun feuillage sur cet arbre. Les pachydermes se sont déjà attaqués au tronc, dont ils déchiquettent consciencieusement les fibres de bois avec une facilité déconcertante. C’est à ce genre de scène que l’on peut mesurer l’impact que les éléphants ont sur la végétation et leur environnement.

Vers 10 h 30, nous franchissons un pont au-dessus du fleuve Okavango. Bien qu’il soit d’une largeur modeste et qu’il ne se jette pas dans l’Océan, l’Okavango est cependant un fleuve, ou plus exactement un fleuve endoréique. En provenance d’Angola, il termine sa course dans le Kalahari au Botswana et « se perd » dans le célèbre delta, un immense marécage de 16 835 km2. Là il s’assèche plus ou moins en fonction des saisons, des pluies et des températures.
Mahango Game Park / Parc national de Bwabwata (côté ouest)
En fin de matinée Hugues nous conduit jusqu’à l’ancien Mahango Game Park, qui est maintenant intégré au parc national de Bwabwata et en constitue l’extrémité ouest. Peu fréquenté et moins connu des voyageurs, il s’étend sur près de 30 000 hectares. Ce sera notre dernier game drive dans la bande de Caprivi, toujours sous un ciel voilé et à la plus mauvaise heure de la journée pour les photos…
Les paysages de savane alternant avec des zones boisées ou des marécages aux abords de l’Okavango sont assez similaires à ceux de la partie orientale de Bwabwata. D’imposants baobabs émergent de ce décor.

Les zèbres et les hippopotames abondent. En revanche nous ne verrons pas d’éléphants à Mahango, pourtant censés y être présents en nombre durant la saison sèche.
Le parc de Mahango est réputé pour la variété de ses espèces d’antilopes, dont certaines peu communes comme l’hippotrague noir, l’antilope rouanne ou le cobe de Lechwe.


Les classiques de la faune à plumes se montrent avec parcimonie, trop timides sans doute, ou bien c’est parce qu’ils fuient la chaleur et le soleil — au zénith.
Nous ferons une pause déjeuner au Mahangu Lodge, au bord de l’Okavango, puis repartirons vers Rundu pour l’étape du soir.
À peine les bagages posés au Kaisosi River Lodge, nous embarquons pour une sunset cruise sur l’Okavango pour clôturer cette journée bien remplie. Le ciel s’est enfin dégagé… Nous admirons au fil de l’eau la transition, toujours magique, du bleu profond jusqu’à l’orange flamboyant du firmament d’Afrique australe.
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